Newsletter de l'UNAPL Occitanie - N° 18 - Janvier 2020


 
FOCUS
La biologie médicale en mutation profonde

Fonctionnement quotidien, innovations techniques, nouvelles règlementations, évolution financière, regroupements… les laboratoires d’analyses sont marqués par de vastes changements.


Depuis une dizaine d’années, la biologie médicale est pleine mutation. Elle est marquée par une évolution en profondeur qui modifie le contexte général de cette activité et interroge sur l’avenir.

Deux grandes réformes ont marqué la dernière décennie. La première, réalisée entre 2010 et 2013, a été la médicalisation de la profession. La biologie médicale a été reconnue comme un ensemble comprenant trois temps : le prélèvement, l’analyse, le post-analytique. Le second changement a résidé dans l’obligation d’accréditation selon les normes ISO 15189 à échéance de 2020 pour toute l’activité après un passage par étapes pour chacune des fonctions de la biologie médicale.

L’impact de ces mesures a été considérable : on recensait en 2010 au plan national 3000 structures juridiques exploitant des laboratoires. En dix ans, ce nombre a été divisé par dix : on ne compte plus actuellement que 300 structures. Au niveau de l’Occitanie, la tendance est identique : 300 structures en
2010, 30 aujourd’hui..

Une organisation transformée
« L’organisation des laboratoires a été transformée, explique le Dr Richard Fabre, biologiste médical à Labège, président de l’Union régionale des professionnels de santé pour la branche de biologie médicale. Il existait auparavant une unité de temps et de lieu : le prélèvement, l’analyse et la restitution technique se faisaient en un même endroit. La structure unitaire a fait place à une organisation en étoile. Les laboratoires sont devenus des sites de prélèvement. Trois, quatre ou cinq fois par jour, des coursiers amènent les tubes de prélèvement à un plateau technique qui effectue les analyses pour dix à quinze sites différents. Tout est robotisé et informatisé. Le plateau doit être au maximum à 1 h 30 du site de prélèvement. Il traite les analyses de premier recours. Au-delà, il existe un plateau spécialisé qui, pour l’Occitanie, est à Montpellier. La logistique est donc devenue un élément essentiel qui coûte très cher et doit être intégré dans nos prix qui ne sont pas libres. »

L’enveloppe globale de la biologie médicale libérale est, en effet, négociée annuellement par les syndicats représentatifs de la profession avec la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Lorsque les recettes sont en dépassement, elles sont rétrocédées à la CNAM. Quand elles sont en régression, cette dernière assure la compensation.

« Cette enveloppe, ajoute le Dr Fabre, est plutôt stable depuis dix ans, alors que le volume des analyses a augmenté de 40%. La valeur de l’acte a ainsi connu une érosion de 30 à 40%. Cela explique le mouvement de concentration qui a été opéré pour augmenter la productivité. L’industrialisation des analyses n’empêche pas de garder le caractère médical de notre travail auquel nous sommes très attachés. Cela se traduit notamment par le maintien des sites de prélèvement dont le nombre a peu varié. Garder la proximité est pour nous essentiel. »
Dr Richard Fabre
Dr Richard Fabre
L’URPS Biologistes Occitanie

L’Union régionale des professionnels de santé (URPS) Biologistes Occitanie est une association regroupant ces spécialistes dans le but de contribuer à l’organisation et à l’évolution de l’offre de santé au niveau régional, notamment à la préparation du projet régionale de santé et à sa mise en œuvre.

Elle peut conclure des contrats avec l’Agence régionale de santé et assurer des missions particulières impliquant les professionnels de santé libéraux dans les domaines de compétence de l’agence. Elle assume les missions qui lui sont confiées par les conventions nationales prévues au titre VI du livre premier du code de la sécurité sociale.

Le bureau de l’URPS biologistes Occitanie est ainsi composé :
Richard Fabre, président, Jean-Marc Gandois, secrétaire, Bertrand Le Borgne et Arnaud Longuet, vice-présidents, Jean-Michel Réal, trésorier.


 

Tant qu’il y aura de l’éthique
Cette évolution a entraîné des regroupements de structures juridiques. Le laboratoire du Dr Fabre a, par exemple, rejoint INNOVIE qui rassemble 18 filiales réalisant un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros et représentant 4000 salariés. Ce regroupement concerne des sociétés d’exercice libéral de la moitié sud de la France. INNOVIE a son siège à Montpellier. La biologie médicale est aujourd’hui tenue à 45% par des groupes financiers qui atteindront bientôt 60%. De ce fait, malgré un chiffre d’affaires stable, des laboratoires voient leur valeur de rachat pouvant être multipliée par trois, à une époque où les cabinets médicaux d’autres spécialités sont de plus en plus difficiles à vendre. Pour les investisseurs, les laboratoires de biologie sont des entreprises très techniques présentant peu de risques financiers dans un secteur où des concentrations sont encore possibles.

« Notre activité, estime le Dr Fabre, devient capitalistique. De ce fait, le biologiste libéral est menacé de disparition. La lourdeur de l’investissement de départ détourne de l’exercice libéral les jeunes médecins biologistes. Les mouvements de concentration et la prépondérance des intérêts financiers ont ouvert une porte qu’il sera difficile de refermer. Mais ce qui demeure fondamental pour nous, c’est l’intérêt du patient : tant qu’il y aura de l’éthique, les problèmes seront maîtrisés. »