Newsletter de l'UNAPL Occitanie - N° 15 - Janvier / Février 2019


 
CREATION
Une grande profession de l’exécution

Les huissiers de justice et les commissaires-priseurs se rapprochent pour devenir commissaires de justice. Ils s’unissent au sein d’une Chambre nationale chargée de préparer la fusion qui interviendra à partir de juillet 2022.


Suggérée par la Commission Darrois en 2009 et créée en 2015 par la loi Macron, la profession de commissaire de justice est entrée dans la réalité le 1er janvier 2019 avec le lancement de la Chambre nationale des commissaires de justice. Celle-ci réunit des représentants des huissiers de justice et des commissaires-priseurs, activité dont les membres ont le statut d’officier public et ministériel.

La Chambre nationale est dans l’immédiat composée de six membres. Trois sont issus de la profession de commissaire-priseur, trois sont issus de celle d’huissier de justice. Parmi ces derniers, siège Christine Valès, huissier de justice à Toulouse et membre du bureau de l’UNAPL Occitanie. La Chambre nationale des commissaires de justice a pour mission de préparer, d’ici le 30 juin 2022, la mise en place de la structure qui organisera la nouvelle profession. Le travail portera principalement sur la formation professionnelle qui permettra le rapprochement, puis la fusion totale des deux métiers qui, jusqu’à présent, se différenciaient sur de nombreux points.

« Il aurait été préférable, indique Christine Valès, que la grande profession de l’exécution se compose de tous ses acteurs, dont les mandataires liquidateurs d’entreprises, mais j’estime important de pouvoir dès maintenant identifier cette nouvelle profession de commissaire de justice à côté de celles des professions du conseil et du chiffre. L’idée est de poursuivre la mise en œuvre de l’inter-professionnalité à laquelle je crois. »
 
Alors que les huissiers de justice ont déjà pour certains d’entre eux des compétences en matière de vente amiable et judiciaire, les commissaires-priseurs n’exercent pour l’instant que peu d’activités liées à celles des huissiers, comme les inventaires par exemple.

« La réforme, ajoute Christine Valès, va permettre par la formation professionnelle la connaissance réciproque du contenu de nos professions et un rapprochement de nos offices respectifs. Cette réforme contribuera à créer des passerelles entre les deux métiers. A raison de soixante heures de formation pour les huissiers et de quatre-vingts heures pour les commissaires-priseurs, chacun devra acquérir les connaissances générales et de base de l’autre profession. Les commissaires-priseurs devront, par exemple, apprendre la matière des constats, l’administration de biens, l’assurance, les procédures de saisies, d’expulsion, de médiation… Les huissiers de leur côté vont devoir s’initier à la fiscalité des ventes, à la tenue des registres, à l’histoire de l’art, aux expertises d’œuvres d’art, à la vente des biens d’entreprises… ».

Les formations s’échelonnent sur plusieurs années. Elles seront subventionnées par le FIF-PL à l’initiative de l’UNAPL qui a porté le dossier dans le but d’obtenir de cette manière la gratuité des formations des futurs commissaires de justice.


La création du métier de commissaire de justice élargit notablement l’horizon professionnel des huissiers comme des commissaires-priseurs. Chacun disposera d’une formation de base plus complète, mais cela n’empêchera pas les spécialisations. A brève échéance sera créé l’Institut national des commissaires de justice qui formera tous les nouveaux entrants à l’ensemble des compétences et qui remplacera l’Institut national des huissiers de justice.

 
Après l’échelon national, des commissions de rapprochement des instances locales et représentatives des deux professions vont être mises en place.
Bertrand Clergeot

Christine Valès

Christine Valès estime qu’il s’agit d’une chance aussi bien pour les commissaires-priseurs judiciaires que pour les huissiers de justice qui vont renforcer leurs compétences et seront mieux à même de travailler en réseaux interprofessionnels avec les autres praticiens du droit : « Une opportunité incroyable pour de jeunes étudiants, dit-elle. Ils vont pouvoir choisir de vivre plusieurs métiers en un et découvrir du droit comme de la gestion, du recouvrement de l’exécution et même de l’art ! ».
Avancer sur le principe de la complémentarité et non sur celui de la rivalité
Commissaire-priseur à Montpellier, Bertrand de la Tour est a priori réservé sur la création de la nouvelle profession.

« Rapprocher, dit-il, deux entités n’ayant à la base rien à faire l’une avec l’autre peut sembler une aberration. Il faudra donc essayer d’avancer intelligemment, en bonne entente, sur le principe de la complémentarité et non sur celui de la rivalité. »

« Avec cinquante ou soixante heures de cours, on ne rattrapera pas quatre années d’enseignement de l’histoire de l’art et deux ans de stage. On va tous avoir le même nom et pouvoir exercer la même activité. Pour les commissaires-priseurs, on va aller vers une séparation beaucoup plus nette entre la fonction de ventes liées aux œuvres d’art et la fonction de vente industrielle ou judiciaire qui elle se rapproche du travail des huissiers. »


Bertrand de la Tour souligne que la proximité des fonctions n’empêche pas l’existence de technicités différentes, l’approfondissement de celles-ci conduisant à davantage de spécialisation.

Il y a donc un paradoxe et de son point de vue un risque, celui de créer des grands groupes des métiers du droit. Sa crainte est étayée par le fait que le marché de l’art a beaucoup rétréci. Il cite le cas de Montpellier où le nombre d’antiquaires est passé de vingt à trois en quelques années.

Bertrand Clergeot

Bertrand de la Tour

« Le métier de commissaire-priseur, insiste Bertrand de la Tour, on le fait par passion. Celle-ci nait vers l’âge de quinze ans, lorsque l’on découvre les musées, la culture… Cette passion est quelque chose de profond.

Cependant si cette réforme nous apparait un peu étrange, on avancera en faisant contre mauvaise fortune bon cœur. »
En chiffres
  On recense au plan national 3300 huissiers de justice et 450 commissaires-priseurs judiciaires.

Au niveau de la Cour d’Appel de Toulouse, on compte 111 huissiers de justice libéraux et salariés et 11 commissaires-priseurs judiciaires.