| MÉTIERS L’architecte veut rester maître de son art Marquée par une activité cyclique, la profession traverse une passe difficile entre crise de la construction de logements et lourdeurs administratives accrues. Membre du Conseil d’Administration de l’UNAPL Occitanie, Luc Monnin analyse les causes et enjeux du moment. | | Luc Monnin | | Quand le bâtiment ne va plus, les architectes aussi ne vont plus. Cette activité qui compte 2896 professionnels en Occitanie dont 888 femmes est fortement touchée par une conjoncture actuellement peu favorable au logement. Même s’ils sont habitués au caractère cyclique de leur métier, les architectes traversent, pour bon nombre d’entre eux, une passe difficile. Membre du Conseil d’Administration de l’UNAL Occitanie, Président du Syndicat des Architectes de Midi-Pyrénées (1), Luc Monnin fournit des clés qui aident à comprendre cette situation. Alors que durant la période post-covid nous avions du mal à recruter, dit-il, maintenant il n’y a plus d’embauche et un nombre préoccupant de confrères est proche de la cessation d’activité. Le temps du rattrapage est terminé et l’on se heurte aux contraintes habituelles de la profession : accepter le séquençage des missions ou prendre en charge l’ensemble d’un projet depuis sa conception jusqu’à sa réalisation. » Alors que dans le cadre d’un marché public l’architecte est retenu comme ensemblier, dans le privé l’organisation du travail est différente, davantage contrainte par les aspects économiques et financiers. | « Avec les promoteurs, précise Luc Monnin, c’est plus complexe. Ils découpent systématiquement les tâches. Les calculs sont effectués par des ingénieurs qui cherchent à optimiser au maximum les coûts. La maquette du projet est numérique, ce qui réduit l’intervention de l’architecte qui n’est plus maître de son art. Et à la fin, c’est souvent un chef de travaux qui est sollicité pour le contrôle. Le résultat est que, si cela tient techniquement la route, il y a un appauvrissement architectural et à la sortie une baisse de qualité qui engendre à terme des sinistres. » La hausse du coût des matériaux et la crise des prêts bancaires, aggravée par le retard d’ajustement des taux d’usure, ont accru le repli des mises en chantier et provoqué une forte pénurie de logements. Facteur pénalisant supplémentaire : la lourdeur administrative qui provoque un allongement des délais d’instruction des permis de construire, déjà en diminution du fait de la frilosité des élus soumis aux pressions de groupes qui déposent des recours. Ceux-ci, souvent sous des prétextes environnementaux, n’ont pour objet que de négocier des indemnités auprès des promoteurs ou de faire monter le prix des expropriations. « Le contexte, souligne Luc Monnin, a pour conséquence l’élaboration de projets à blanc par les promoteurs. Il en résulte qu’un nombre non négligeable de projets n’aboutit pas et que les retards de lancement des programmes de construction sont de plus en plus fréquents. Sans compter que nous sommes aussi pénalisés par des demandes de pré-permis, pré-instructions, de la part des collectivités, ce qui est illégal. » Autre enjeu à l’horizon pour la profession, la mise en œuvre de la loi climat et résilience avec l’objectif du « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN). Pour Luc Monnin le débat sur ce point a du sens s’il est construit et s’il ne relève pas d’un « laxisme absolu ». Il estime, par exemple, que la préservation d’un espace agricole doit être étudiée comme c’est le cas pour une zone constructible. Pour lui « un paysage, cela se construit, se déconstruit et se reconstruit ». Une manière de rappeler que l’architecte peut être également urbaniste, paysagiste, acousticien, plasticien… En Occitanie, en raison de l’étendue du territoire, cette palette professionnelle s’exprime pleinement et diversement. Ainsi les architectes exerçant en milieu rural ou faiblement urbanisé ont une activité plus stable du fait de leur proximité avec la population. Quant aux professionnels installés dans les métropoles qui lancent des appels à l’aide, Luc Monnin regrette qu’ils attendent la dernière extrémité pour s’intéresser au syndicat ! | | (1) Si le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes a fusionné en Occitanie les deux structures précédentes de Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées, il n’en est pas de même pour les syndicats qui, pour des raisons juridiques, ont maintenu une existence propre. | | | |