Dire
que
la santé va mal est un euphémisme. Dire
que la médecine va mal
relève encore plus de ce constat. Le
système de santé est à bout
de souffle, les médecins encore plus.
Depuis plusieurs années, les
praticiens, dans leur ensemble, alertent
sur la gravité de la
situation et manifestent afin d’essayer
de se faire entendre. Une
démarche que beaucoup considèrent comme
vaine, en regard de
l’augmentation des consultations de 1,50
€, mesure qui apparait
bien dérisoire face à l’ampleur des
problèmes.
Présidente
de
l’UNAPL Occitanie, le Dr Marie-Ange
Boulesteix tient à
sensibiliser l’ensemble de la profession
médicale afin de peser le
plus possible auprès des pouvoirs
publics. Même si elle peut
sembler moins défavorisée que d’autres,
la région est marquée
dans le domaine de la santé par de
profonds déséquilibres et d’importantes
inégalités territoriales. Avec un
phénomène
inquiétant, comme partout
ailleurs : le mal-être,
l’épuisement, le renoncement. Nombreux
sont les médecins qui
aujourd’hui « déplaquent ».
Littéralement,
ces
praticiens enlèvent la plaque qui, au
sein des villes ou des bourgs, signalait
leur présence et donnait accès à leurs
cabinets.
Où vont-ils ? Vers le salariat,
vers les laboratoires, vers
l’étranger… En 2022 on a recensé 4000
départs de médecins à
l’étranger. Il faut préciser que dans
plusieurs pays voisins, la
consultation est rémunérée à un niveau
beaucoup plus élevé.
« Ce
fût
pendant bien longtemps, explique le Dr
Jean-Marcel Mourgue,
président de la commission des jeunes
médecins du Conseil national
de l’Ordre, un sujet tabou que
d’admettre que le médecin pouvait
être à son tour en détresse morale et
physique, altérant aussi le
principe de l’invulnérabilité du médecin
et rompant une image
particulière de celui-ci au sein de la
société. »
La
mauvaise
santé du corps médical est notée dès le
stade des
études, du fait des grandes difficultés
du secteur public
hospitalier. Avec une conséquence :
le choix d’un trop grand
nombre d’internes ou de chefs de
clinique de ne pas opter pour la
médecine de ville, cœur de la pratique
libérale.
Des
études
récentes tendraient à établir que plus
d’un médecin sur
deux, en ville ou à l’hôpital, serait en
burnout. Celui-ci prend
la forme d’une lassitude, d’une perte de
sentiment
d’accomplissement, de déshumanisation de
soi. Il est constaté que
des situations de burnout peuvent être
responsables de dépressions,
d’addictions, d’infarctus du myocarde,
d’AVC ou plus tragiques,
de suicides.
Les
difficultés
touchent plus particulièrement les
praticiens exerçant
dans les zones sensibles, c’est-à-dire
sous-denses, dénommées
usuellement « déserts
médicaux ». Cette situation a
conduit l’Académie nationale de médecine
à établir un état des
lieux précis et à formuler des
recommandations.
Les
mesures
proposées vont bien sûr alimenter un
débat soutenu avec
les organisations syndicales de la
profession. Elles reprennent
certaines propositions déjà largement
évoquées et en ajoutent
d’autres au contenu plus novateur.
L’Académie
nationale
de médecine a défini deux niveaux
d’urgence.
En
urgence
1 il est recommandé :
l’instauration d’un service
médical citoyen d’un an pour les jeunes
diplômés ; un accès
plus facile au cumul emploi-retraite des
retraités en permettant à
leurs cotisations de générer des droits
supplémentaires ; une
facilitation de l’exercice
multi-site ; une sensibilisation de
la population au respect des rendez-vous
médicaux…
En
urgence
2, l’Académie préconise de : rendre
du temps médical
aux praticiens en optimisant les
délégations de tâches à d’autres
professionnels de santé et en allégeant
la charge administrative ;
promouvoir et faciliter l’exercice et
les installations précoces
dans les zones sous-denses ;
renforcer la sécurité des
médecins dans les zones sensibles ;
réactiver les visites à
domicile à l’aide d’une valorisation
financière ;
densifier localement les interactions
avec l’hôpital ;
augmenter significativement le
« numerus apertus » ;
diversifier l’origine territoriale et
sociale des étudiants par
des incitations et accompagnements dès
le lycée ; éviter
toute coercition concernant
l’installation en médecine libérale…
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